Il était aux environs de dix-sept heure et quart, l’amphithéâtre principale s’était vidé de toute agitation quand les derniers étudiants avaient finalement déguerpit des gradins. Crasseux et dessués comme ils avaient l’habitude de les laisser même si, en fait, il ne s’agissait que de trois chewing gum collés sous les tables et d’un paquet de Kleenex oublié. Kinaï ne mettait jamais beaucoup de temps à entasser les bouquins de l’enseignant dans la remise et avait pour habitude de ranger le rétroprojecteur d’un bon coup de pied dans le placard prévu à cet effet. Évidemment lorsque le Professeur n’était plus là, cela va s’en dire. Ce coup ci il battu son record, dix minutes au lieu de quinze mais s’arrêta à la porte quand une chose attira son attention. Il avait oublié dans son empressement de vérifier les tables les plus hautes de la salle et malheureusement pour une fois qu’il omettait cette partie du protocole, il avait fallu que l’un de ses parasites de new-yorkais boutonneux lui laisse un présent qu’il devrait ranger par ses bon soins sur son temps libre.

Il grimpa quatre à quatre les marches et s’empara du livre dont il fit tomber une petite note de la couverture. Moment de réflexion intense. Il ramassa le bout de feuille et déchiffra les hiéroglyphes rapidement, une plume féminine vu les traits fins et sans aucune rature. « A toi pour toujours. Ta Lara. » Et le tout accompagné d'une marque sensuelle pour sceller les mots, celle d'un rouge à lèvre carmin. Il leva les yeux au ciel en sifflant entre ses dents et balança sa tête de droite à gauche.



Il froissa le papier qu’il glissa dans sa poche et emmena l’ouvrage hors de la salle pour prendre la direction de la bibliothèque, là où était la place de ce libelle. Au quel cas l’étudiant distrait trouverait le moyen de quémander son bien, il aurait à faire à forte partie, la conservatrice des lieux étant une bonne amie mais aussi une amoureuse des écrits scientifiques. De plus elle aussi possédait un don, celui de télékinésie, bien pratique pour ranger les ouvrages sur les plus hautes étagères vu sa petite taille. Parfois tellement préoccupée par le silence des lieux, elle faisait volontairement tomber ses petits protégés, les moins aimés tels que Les œuvres de Maupassant retranscrites dans lesquelles elle ne trouvait pas grand intérêt, sur les étudiants s'embrassant entre deux palissades.
Kinaï entra à l'intérieur sans dire un seul mot mais inclina la tête par politesse lorsqu'il la croisa puis replongea toute son attention sur la couverture qu'il détenait entre les mains. Ce n’est que lorsqu’il sorti le nez de son livre pour observer le numéro des allées qu’il l’aperçue au loin assise sur sa chaise plongée dans ses pensées. Woo le choc. Il se figea d’un trait, le regard ahurit sur cette seule source de tant de beauté.

Il porta une main exagérément à son cœur * Cet ange ! Quelle douceur !* en mimant les yeux fermés une expression de douleur atroce et se laissa volontairement tomber de dos contre l’étagère la plus proche. Il se glissa derrière l'une des allées pour mieux l'observer quand la baronne, ayant vue toute la scène, le rappela à l'ordre d'un petit sifflement. Encore une rabat-joie. Il croisa son regard fusant, *Vieille fille* et ressortit de là pour se diriger vers cette belle inconnue, prenant place en face d'elle et ne sachant pas du tout qu'il la dérangeait dans ses recherches. Un simple bonjour aurait été convenable mais d'une telle banalité qu'il choisit une autre approche, reniflant toute les cinq minutes pour attirer son attention.